13 septembre 2012

Le travail bénévole, engagement citoyen ou travail gratuit ?

L'évolution du bénévolat dans un contexte de crise économique, outre le constat d'une évolution de sa nature et de ses pratiques, appelle une comparaison avec le travail salarié.

 Voici un résumé et des extraits du commentaire publié sur le site de l’association belge  « ASBL (Association pour le Volontariat), à propos d’un ouvrage de Maud Simonet sociologue au CNRS (IDHE-Université Paris-Ouest Nanterre), paru aux éditions La Dispute, Paris 2010. Quelques idées nous ont paru intéressantes. Les extraits du commentaire de l'ASBL sont indiqués en italique.
 « Habituellement appréhendé comme forme d’engagement, de militantisme ou d’exercice à la citoyenneté, le bénévolat fait rarement l’objet d’une analyse comme forme de travail. L’originalité de cette étude (celle de Maud Simonet) réside en une analyse du bénévolat à la lumière des concepts et des outils de la sociologie du travail ».
Les usages sociaux du travail bénévole
Le bénévolat intervient dans la construction des carrières professionnelles, d’une part en figurant parfois sur le CV, d’autre part en aidant les individus à retrouver un « certain idéal de soi au travail (se sentir utile, engagé..) »
« Le travail bénévole se situe donc soit en amont du travail, c’est-à-dire à l’entrée dans l’emploi, de par sa dimension « préprofessionnalisante », soit en aval du travail dans la mesure où il constitue une prolongation des carrières professionnelles au-delà de l’emploi et de la retraite » .

Deux catégories de bénévoles coexistent et traduisent une « inégalité des rapports au travail ». Certains ont le choix de s’investir en étendant leur activité de salariés à une activité bénévole. D’autres espèrent que leur activité bénévole évoluera un jour vers une activité salariée. « Les premiers sont dans le registre du cumul quand les seconds sont dans celui du « sacrifice ».

Les usages politiques du travail bénévole
« Selon l’auteur, les politiques publiques du bénévolat sont, du moins en partie, des politiques de l’emploi, et ce à double titre : en ce qu’elles visent à développer et/ou à institutionnaliser des formes de travail bénévole dans les services publics, mais aussi car elles mettent au travail (bénévole) des catégories de la population qui ne sont pas dans l’emploi ».
« Loin d’être simplement l’objet d’une politique publique, le bénévolat en est aussi l’instrument et ce sont bien les dimensions de travail au cœur de cette pratique qui permettent à l’Etat de l’instrumentaliser. »
Dans les mentalités outre-Atlantique
Aux Etats-Unis, l’individu est au service de la Nation, la communauté est une valeur forte dans la mentalité américaine, et il existe une tradition associative liée à l’histoire de la démocratie américaine et donc une reconnaissance et une valorisation de l’activité bénévole. « La grande différence avec la France est que les américains se mobilisent pour répondre concrètement en tant que société civile à un problème, alors que les Français sont dépendants de l’Etat ou de la collectivité locale », la pratique bénévole « trouvant difficilement sa place dans le fonctionnement démocratique du pays du fait notamment d’une tradition de forte attente par rapport à l’Etat. »
En comparant ainsi la France aux Etats-Unis, Maud Simonet souligne les différences de politiques dans chacun des deux pays, mais constate également les transferts de pratiques qui montrent l’évolution récente de la politique française et la mise en place récente de dispositifs institutionnels, se rapprochant ainsi d’une conception résolument « citoyenne ».

Les usages associatifs
Enfin, l’auteur identifie la relation de travail qui relie le bénévole à l’organisation dans laquelle il s’engage. Les associations, en effet, « participent également, parfois malgré elles, à cette instrumentalisation du travail citoyen » en procédant, par exemple à   « la construction de cadres d’exercice pour le bénévole : congés, indemnités, formations -  inspirés du monde du travail salarié ».   Ces procédures « visent à institutionnaliser la présence du bénévole, de ce travailleur non institutionnel, dans une situation de travail institutionnalisée….ce qui peut avoir des conséquences, notamment dans les milieux déjà hautement institutionnalisés (milieu hospitalier, scolaire) » en provoquant des tensions.
La "professionnalisation" de plus en plus poussée du travail bénévole ne traduit-elle pas, elle aussi, un rapprochement entre les deux activités ?

En conclusion
Cet ouvrage propose une vision intéressante du bénévole comme « travailleur ».  Il pose un questionnement « sur les contradictions de l’engagement et sur la « bénévolisation du travail »
Le sujet n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre, face aux pratiques "de crise" qui émergent dans l'urgence, notamment en Espagne où le travail bénévole se substitue souvent aux emplois supprimés dans certaines fonctions publiques territoriales.

Le bénévolat, « engagement citoyen » ou « travail gratuit" ?

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